La hantise d’une longue récession pour les investisseurs immobiliers
Retour à la vue d’ensembleQuelle est l'influence de la crise du coronavirus sur les marchés immobiliers? Lisez l'évaluation de nos experts.
De nombreuses entreprises dont les modèles d’affaires sont affectés par la crise du coronavirus enregistrent une baisse de leurs revenus à long terme et ont donc des difficultés à payer leurs loyers. Cela a des conséquences indirectes sur les institutions de prévoyance, qui figurent parmi les principaux investisseurs du marché immobilier suisse. Les différents secteurs sont toutefois différemment impactés, raison pour laquelle il est utile de porter un regard nuancé sur l’évolution des marchés immobiliers.
Quels sont les
problèmes les plus importants rencontrés par les institutions de prévoyance
dans le cadre des placements immobiliers suisses?
Christian Zoss: Les véhicules de placements immobiliers
d’Avadis Fondation d’investissement investissent principalement dans des
immeubles de bureaux et d’habitation. Pour l’instant, le secteur de l’habitation
n’est pas affecté par la crise. Celui des bureaux est seulement indirectement
touché. Nos investisseurs n’ont donc pas de soucis quand il s’agit de leurs
placements immobiliers chez Avadis. Ils sont en revanche inquiets en ce qui
concerne l’évolution économique à venir et les conséquences qu’elle pourrait
avoir sur les actions et les titres à revenu fixe.
Certains
investisseurs ont-ils retiré de l’argent des véhicules de placements
immobiliers?
Christian Zoss: Les institutions de prévoyance sont des
investisseurs orientés sur le long terme. Elles maintiennent leur stratégie de
placement, même en période de crise. Nous constatons au contraire une demande
toujours aussi forte pour les placements immobiliers.
Votre groupe de
placement pour les immeubles commerciaux devrait néanmoins être affecté.
Hendrik David: Ce sont surtout les surfaces de vente et
commerciales qui sont affectées, comme celles utilisées en particulier par des
entreprises des secteurs du commerce de détail, du non-alimentaire ou de la
beauté. Dans nos groupes de placement incluant des immeubles commerciaux,
environ 22% des produits locatifs proviennent d’entreprises qui ont été
directement touchées par le confinement.
Le risque de crédit nous semble plus important qu’une réduction temporaire des loyers.
Les milieux
politiques entendent contraindre les bailleurs d’immeubles commerciaux à
baisser leurs loyers. Quel sera le montant des pertes locatives?
Hendrik David: Nous ne savons pas quelle sera
précisément la situation au bout du compte. Dans notre scénario le plus
pessimiste, nous tablons sur une réduction du produit locatif annuel de 3 à 4%
en raison de cette baisse. Le risque de crédit nous semble cependant plus
important qu’une réduction temporaire des loyers. Si la Suisse devait connaître
une récession prolongée avec une nette augmentation des faillites, les revenus
résultant des usages commerciaux pourraient subir des pertes locatives pouvant
aller jusqu’à 10% en raison des faillites.
Aidez-vous les
locataires commerciaux fortement impactés par le confinement?
Hendrik David: Les locataires fortement impactés ont
besoin d’une solution rapide et ne peuvent pas attendre l’entrée en vigueur de
la réglementation dans quelques mois. Nous échangeons régulièrement avec nos
locataires, étudions précisément chaque cas individuel documenté et concluons
des accords individuels, le cas échéant.
Quelles sont les
conséquences générales de la crise du coronavirus sur le marché immobilier
suisse?
Hendrik David: La vie des gens a changé en raison de la
mobilité restreinte. Ils passent plus de temps chez eux et en télétravail.
Cette situation a accéléré certaines évolutions qui se dessinaient déjà avant
la crise pour ce qui est des immeubles commerciaux. La forte croissance du
commerce en ligne qui se poursuit, souvent au détriment des ventes dans le
commerce de détail stationnaire, en est un exemple. Le segment des habitations
serait concerné à partir du moment où une récession prolongée générerait un
flux migratoire négatif durable.
Dans le cas des immeubles d’habitation, la qualité du séjour gagnera en importance. Parallèlement, l’importance de la facilité d’accès diminue.
Quel serait l’impact
d’une augmentation future du télétravail sur les propriétaires immobiliers?
Hendrik David: L’évolution à long terme est difficile à
apprécier. Il est certain que les entreprises possèdent les technologies leur
permettant de faire travailler davantage leurs collaborateurs depuis leur
domicile, même après la crise. Elles réfléchiront donc plus précisément à l’avenir
aux processus de travail pour lesquels elles souhaitent mettre des espaces à
disposition dans leurs propres bureaux.
A quoi les
institutions de prévoyance qui souhaitent actuellement investir dans l’immobilier
suisse doivent-elles être attentives?
Christian Zoss: La solvabilité et la mixité des
locataires sont des critères importants pour les immeubles commerciaux. Dans le
cas des immeubles d’habitation, la qualité du séjour gagnera en importance, car
les gens pourront dorénavant passer plus de temps chez eux. Parallèlement, l’importance
de la facilité d’accès diminue en raison du changement numérique et des bons
réseaux de transports. Les investisseurs bénéficient ainsi d’opportunités de
placement intéressantes, même en dehors des grands centres.
Hendrik David, responsable Immobilier Suisse
Hendrik
David a 11 ans d’expérience sur le marché immobilier suisse, tant du côté
des investisseurs que du conseil. Il est titulaire d’un master en Accounting
& Finance de l’Université de St-Gall, diplômé d’architecture de l’EPFZ et
analyste financier CFA.
Christian Zoss, responsable des relations clientèle & Key
Accounts Suisse alémanique
Christian
Zoss a 20 ans d’expérience dans le secteur bancaire et a travaillé pour
différents gestionnaires d’actifs et banques, suisses et étrangers. Il est
spécialisé dans la gestion des caisses de pensions. Il est titulaire d’un
diplôme en économie d’entreprise de la Haute école spécialisée zurichoise (HWZ)
et d’un diplôme d’analyste financier CAIA.